ATELIERS


Chœur Quantique
THÉÂTRE & VIDÉO AU MUSÉE

Anne Mulpas, auteur
Benjamin Duval, metteur en scène



Liée au théâtre depuis ses premiers pas en écriture et co-directrice de la compagnie NOOB, Anne Mulpas propose d'inviter une classe de 3e à écrire un choeur dont les élèves seraient tour à tour des éléments/électrons le composant et lui donnant forme et des électrons libres dont la voix singulière agirait en tant qu'écho et miroir. Concrètement, il s'agirait d'écrire un texte polyphonique que les jeunes gens seraient amenés à faire vivre en choeur sur scène et en solos captés par le biais d'une webcam et rythmés par des percussions "brutes". Le metteur en scène Benjamin Duval, avec lequel s'est construit et déroulé le projet 405 - Chroniques des Funambules, sera l'intervenant complémentaire, celui qui met en voix et en forme l'écrit.




Extrait du chœur :


Chœur femme :
Pause.
Il ne suffit pas de regarder pour voir.

Le Chœur :
Le monde, je m’y cherche, j’y prends ma place. Je suis fils et fille de, petit-fils et petite-fille de. Je suis la fille de celle qu’on oublia à l’école. Fille de celui qui aimait aller pêcher au bord du lac, de celle qui aimait faire le ménage le soir quand tout le monde dort. Petite fille d’une grand-mère au tapis de laine, d’un grand-père distribuant des bonbons. Petite fille de celui qui n’oublie pas le jour où il a demandé la main de son aimée. Celle qui faisait oublier toutes les autres. Je suis la fille de celle qui aimait jouer à cache-cache avec ses frères et sœurs, ses cousins, ses cousines au lieu d’aller à l’école. Je suis la petite-fille de celle qui aimait transformer le lait en beurre. Celle qui est allée à la Mecque et s’est mariée à onze ans. Je suis la petite-fille de celui qui aimait monter à cheval, qui aimait cueillir le raisin et les olives. Je suis la fille de celui qui aimait jouer au foot, de celle qui aimait regarder des films avec ses frères. Je suis la petite-fille de celle qui aimait faire la cuisine, de celui qui aimait réparer la moto de son père. Je suis le fils de celui qui retient de sa vie d’enfant « Que c’est moins de problèmes que quand on est grand ». Je suis la fille de celle qui aimait coiffer ses sœurs, partir à la plage, cueillir des cerises, des pommes, des figues. Je suis la fille de celle qui se moquait de ses frères et sœurs, qui dérangeait toute la famille tout le temps, qui se souvient des années quatre-vingts dix et de la période du terrorisme. Je suis la petite-fille d’une grand-mère qui dit la révolution algérienne, le premier coup de feu et puis l’indépendance. Je pose la doudouha, fais venir le pikher et me souviens. Je suis le fils de celle qui aimait beaucoup sa famille, celle qui aimait manger du chocolat. Je suis le fils de ceux qui se sont rencontrés à table, chez ma tante, devant du poulet et du riz.

Chœur homme :
Je suis le fils de mon père et de ma mère, je suis le petit-fils de mon grand-père et de ma grand-mère.

Le Chœur :
Je suis la fille de celle qui aimait rester avec sa mère, celle qui aimait cuisiner avec sa mère et de celui qui aimait nager, pêcher et sortir. Je suis la fille de celle qui aimait manger des fruits exotiques du pays et aimait la plage tout autant que la rivière. Je suis la petite-fille de ceux qui ont fait la guerre et en gardent un très grand souvenir et de celle qui aimait se balancer sur sa chaise et manger ses petits plats maison. Je suis la petite-fille de celle qui aimait passer du temps avec son amoureux marrant, la fille de celle qui aimait l’ambiance de sa famille et de celui qui aimait jouer avec les animaux et tombait amoureux de chaque fille. Je suis le petit-fils de celle qui fabriquait des poupées en chiffons et chantait en latin. Le fils de celle qui aimait écouter des histoires qui font peur, patauger sous la pluie, manger du crabe et de la canne à sucre. Je suis le petit-fils de celle dont le mari fut empoisonné par jalousie, celle dont la vie fut si dure, seule avec ses enfants. Je suis le petit-fils aussi de celle qui allait à la rivière pour laver la vaisselle et qui n’aimait pas ça. Je suis le fils de celle qui, un jour de carnaval, a eu peur d’un masque de mort et s’est jetée sous le lit de ses parents. Je suis la fille de celle qui aimait rire et danser. La petite-fille de celle qui fut séparée de sa famille pour passer le reste de sa vie avec un homme qu’elle ne connaissait pas et pour enfanter sa descendance. La fille de celle qui aimait se retrouver seule sous un arbre « Parce que, disait-elle, le monde est trop impur et trop amer. » Je suis la fille de celle qui s’est fait kidnapper trois ans durant. La petite-fille qui aura un jour, elle aussi, une fille.

Chœur femme :
Je suis la fille de mon père et de ma mère, je suis la petite-fille de mon grand-père et de ma grand-mère.

Le Chœur :
Je suis la fille de celle qui aimait aller à l’école et de celui qui se souvient de sa toute première voiture. Je suis la fille de celui qui, enfant, n’aimait se préoccuper de rien, de celui qui ne pensait qu’à lui et à sa famille, qui aimait faire à manger avec sa mère et s’occuper de ses frères et sœurs. Je suis le fils de celui qui passait toute la journée à penser à son avenir. Fils de celui qui prenait des décisions sans prévenir et qui aimait apprendre et découvrir. Je suis le fils de celle qui aimait nager et parlait à sa mère. Le petit-fils d’un comorien courageux, qui donnait sans attendre en retour, qui aidait sans attendre les secours. Je suis la fille de celui qui m’a abandonnée. Je suis le fils de celui dont les photos restent obstinément muettes.

Coryphée 3 et 2 :
Il ne suffit pas de regarder pour voir.
Je viens vers toi.
Je suis.
Juste une voix.
Eh, oui ! On est un, Madame !










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Corps poétiques, 
corps numériques
POESIE, THEÂTRE & MULTIMEDIA

Anne Mulpas, auteur



 • Au début la poésie
Lorsque la Maison des Ecrivains m'a contactée au printemps 2010, j'ai très vite eu envie de reprendre ce que je n'avais qu'esquissé lors d'une résidence à la Médiathèque de Cormontreuil (51) en janvier-février 2009 : un blog se construisant autour de fragments de voix, d'éclats d'autoportraits individuels ou collectifs.Un lieu qui expose et protège en même temps.
J'ai donc peu à peu tissé un fil narratif et jamais ce mot n'a résonné aussi justement que lorsque le partenariat avec le Théatre Paris-Villette s'est confirmé. Le fil s'est tendu autour de Genet et de l'adaptation de son Funambule par le metteur en scène Cédric Gourmelon.
Peu à peu, j'ai essayé de coudre les séances les unes aux autres ; à la fois en apportant aux élèves des poèmes que j'aime et en les suivant pas à pas dans l'équilibre/déséquilibre de leurs jours, de leurs réactions et de leurs réponses à mes propositions.
Le projet est très écrit. J'ai voulu garder une grande place aux mots, à la découverte de la poésie, à la possibilité de faire entendre des voix comme celles de Mahamoud Darwich, Bernard Noël, Maïa Brami... Les poèmes qui vivent sur le blog sont des réponses ou des échos à ce qu'ils ont entendu et se sont appropriés non seulement des textes mais aussi de mes consignes et conseils.
Très rapidement, le titre du blog m'est devenu évident : 405 pour le chiffre de l'entité classe et puis Chroniques des Funambules, certes pour Genet mais également pour la tendresse que j'ai à voir ces mômes tenter de se tenir en équilibre dans le monde chaotique que nous leur imposons.


• Le théâtre et le numérique
Benjamin Duval est intervenu dans un second temps au collège pour capter leur regard avec une webcam, les faire dire et par la suite entendre leur voix disant leurs propres textes. 
Il les a ensuite accompagnés au Théâtre Paris-Villette et leur a fait découvrir le temps, trop court, d'une séance de deux heures, ce qu'est une scène et ce qui peut s'y vivre.
Enfin, il y eut début mars la visite du Théâtre. Ses salles, son administration, sa régie et son histoire racontée par Lila Destelle et la représentation du Funambule de Cédric Gourmelon.
J'en ai profité également pour les faire écrire sur ce qu'ils pouvaient entendre et ressentir du théâtre ; eux qui y venaient pour la première fois.




• A la fin la poésie
La restitution aura lieu dans quelques semaines. Je ne sais pas, ne peux pas savoir ce qu'il en restera, mais ce dont je suis sûre c'est que les élèves ont tous écrit, participé à maintes reprises et de bon coeur. Ils ont répondu O.K. à toutes les propositions et j'ai pu constater lors des dernières séances qu'ils avaient pris l'habitude d'écrire comme jamais ils ne parlent. 
Leurs textes sont naturellement poétiques.




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Gem-box
Juke-box perso et vidéo
Benjamin Duval, metteur en scène


Comme dans presque tous les cafés, il y a souvent de la musique, au Cafégem. Comme dans presque tous les cafés, on s’y plaint souvent du volume sonore de la chaîne hi-fi. Et comme dans presque tous les cafés, on y critique souvent les goûts de la personne en charge de la programmation musicale. Mais contrairement à la plupart des cafés, au Cafégem, quelqu’un finit toujours par se lever, arrêter le disque en cours d’écoute, s’auto désigner nouveau responsable de la programmation musicale, et de lancer « de la bonne musique ». Jusqu’à ce qu’un autre quelqu’un critique le niveau sonore, puis le mauvais goût de la programmation musicale, et finisse à son tour par se lever pour aller changer de disque.

La musique, dans le rapport intime et individualisé qu’entretiennent avec elle les adhérents, a une place centrale au Cafégem. De ce constat m’est venue l’idée de proposer la création d’un appareil que l’on trouvait autrefois dans presque tous les cafés : un juke-box. Mais un juke-box unique, à l’image du Cafégem et des personnes qui le font vivre. Un gem-box.

Le principe est le suivant : durant deux semaines, je vivrai au rythme du Cafégem et de ses adhérents. Deux semaines durant lesquelles nous apprendrons eux et moi à nous connaître, à échanger. Deux semaines aussi durant lesquelles chaque adhérent devra choisir un morceau de musique à son goût - voire son préféré - et une scène de la vie quotidienne ou d’une vie rêvée associée à l’écoute de ce morceau. De ces deux choix résultera la réalisation du clip vidéo du morceau choisi, clip dont la trame scénaristique s’appuiera sur la scène de vie associée. Les captations vidéo se feront selon la convenance de chaque adhérent, que ce soit sur le lieu de la captation ou de toute autre modalité.

La réalisation des vidéos sera la plus brute possible, l’intérêt étant ici ce qui se joue humainement à l’intérieur du cadre de l’image, non la démonstration d’une quelconque virtuosité technique. Chaque scène sera donc autant que possible un plan séquence de la durée du morceau, filmé avec une webcam – instrument du quotidien par exellence - , en plan fixe, sans lumière artificielle autre que celle présente sur le lieu choisi.

Le gem-box sera composé d’un écran plat, d’un pc, de haut-parleurs et d’une télécommande fixée au boîtier. Son utilisation sera des plus simples : pour lancer un clip vidéo, il suffira de parcourir la liste des morceaux affichée à l’écran et de cliquer sur l’icône correspondante au morceau de son choix à l’aide de la télécommande. La vidéo s’affichera alors à l’écran, le son s’échappera des hauts-parleurs. L’utilisateur sera renvoyé automatiquement à la liste des morceaux une fois la vidéo sélectionnée achevée.






La création et la réalisation du boîtier du gem-box sera confié à la plasticienne Clémentine Treu dont l’univers à la fois sensible, acidulé et emprunt de nostalgie me semblait tout désigné.=> http://www.clementinetreu.com